Parmi les invités, un type évadé de la série « La panthère rose ». Son costume satiné rayé rose et blanc était un peu trop seyant, et ses lunettes ovales fumées cerclées or, un peu trop fumées, mais la couleur au milieu des tenues sombres en général, c'était bien. La mère de la mariée, sœur de la panthère rose, elle, blonde platine perpétuelle, s'obstine à s'habiller Hollywood à Ottawa. Tenue paillette y compris les dessous je crois, les chaussures et le fard autour des yeux. Quand on lui parlait, on avait des étoiles dans les pupilles, ça lui faisait plaisir.

Elle m'a présenté son frère la panthère. Nous étions dans le même domaine, nous a-t-elle dit. Mais nous n'œuvrions pas dans les mêmes sphères ai-je compris très vite. Montréal, Berlin, Prague, Sophia, c'était son champ d'action à lui... il revenait de Prague... millions de dollars... signé! Son ami Pierre-Elliot (lire Pierre-Elliot Trudeau) un voisin aussi, Madame le Ministre, etc. Bon. Hollywood en repassant me dit : ne crois pas tout ce qu'il raconte! Rires - Ma sœur ne sait pas que je suis devenu quelqu'un, elle ne se souvient que de mes frasques de jeunesse! Il m'a dit ça en riant... c'était très drôle, je ne savais pas s'il entrait dans le jeu de sa sœur ou essayait de s'en sortir. Je ne voulais pas me fier à son costume de cirque acquis en solde d'un Monoprix des environs de Sophia. Ni à son air frivole et beau parleur, ce n'est pas le style dans le métier. Beau parleur oui, mais avec l'air songeur... lui, était beau parleur sans air songeur. Ça fait toute la différence.

La maman d'Hollywood et de la panthère était très âgée, 82 ans, toute petite, charmante, vive, encore belle même, je dirais, et habillée tout à fait de circonstance pour l'événement, étonnant. La maman, à 82 ans était très loquace... elle m'a raconté l'histoire de la famille... arrivée de Tchécoslovaquie dans les années 45, le bateau, Halifax... Québec et puis installation à Chicoutimi! Une belle histoire... à 82 ans, elle jouait encore le charme la petite dame.

Après le repas il a fallu danser. Après quelques-unes mon amie s'en est allée voler vers d'autres bras, se contentant de venir déposer de temps en temps un baiser sur ma joue fraîche. Il y avait quelques belles femmes dans cette charmante assemblée, je ne parle pas des jeunes filles dans la vingtaine qui elles, n'ont pas de mérite, je parle des autres... Pas loin, assise à côté d'une sombre brute au front bas, une jolie femme menue... habillée de noir, robe unique... liseré vert... cheveux blonds longs relevés sur la nuque... toute menue... Elle était derrière nous à l'église... coiffeuse... chez Rinaldo, le salon du tout Ottawa. J'avais entendu la conversation. Elle se faisait une fête après la messe, d'aller elle-même se faire coiffer. Un samedi. Elle, qui le samedi travaille d'habitude comme une folle. Elle, qui le samedi, travaille pour rendre les autres belles. Comme une petite fille, elle était toute joyeuse. Après la messe, elle allait, elle, se faire coiffer et revenir à la fête, toute belle pour s'amuser et danser... et rire.

La sombre brute avait l'air maussade.

Elle, restait là, assise à côté de lui. Elle n'osait pas trop regarder aux alentours... souriait à peine quelques fois. A-t-elle été danser? Bien sûr, j'aurais pu faire un effort, l'inviter... lui raconter des trucs drôles... la faire tourner... pour que tout le monde voit sa robe noire, et le petit liseré vert, et sa belle coiffure. Mais la sombre brute avait l'air maussade.

Comme nous étions là pour nous amuser et que je trouvais ça triste, j'ai regardé ailleurs... vers la piste de danse. La Mama dansait! avec son mari... c'était la place du village... la Sicile, la mer. L'orchestre jouait de l'accordéon... il faisait soleil. Elle dansait à petits pas menus, se tenait très droite, la main passée derrière l'épaule de son homme, mais tournée vers l'extérieur... vers le ciel... ses petits doigts potelés mais gracieux en éventail. J'ai trouvé qu'elle avait un beau port de mère.