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Ottawa, 14 juillet, coucher du soleil


Je suis allé traîner mon spleen ce soir sur les pelouses de l'ambassade de France, tout au bord de la rivière des Outaouais.

J'y répète chaque année le même rituel... d'abord je triche (pour ne pas attendre en ligne)... je prends mon air le plus digne et je passe par le portail réservé aux dignitaires, je reçois le salut officiel... le rends d'un imperceptible hochement de tête entendu... et commence mes errements sur la vaste pelouse bordée de tentes multicolores, l'une abrite la fanfare, les autres le champagne et les petits fours.

Cette année O. m'accompagnait, ce qui est rare, d'habitude elle est en vacances à cette époque. Je n'ai pas eu besoin de tricher. J'aime quand elle est avec moi. Cela m'évite d'alimenter moi-même les conversations. Elle avait une robe très simple de mousseline bleue marine, seyante, qui mettait en valeur sa taille fine et ses jambes a peine bronzées. Ses cheveux blonds cendrés coupés à la garçonne rayonnaient de soleil malgré le ciel menaçant et le jour qui tombait. Je suis allé lui chercher une coupe de vin rosé, et l'ai retrouvée au milieu d'un groupe de costumes sombres et de robes pastel. Un regard, et elle m'a laissé partir à la dérive... à travers les fêtards tout endimanchés, les diplomates empesés, et quelques saint-cyriens rouges et noirs et or.

De temps en temps, une connaissance, trois mots, un sourire, la fumée d'un cigare, une carte de visite qu'il faut prendre le temps de contempler avec beaucoup d'attention quand elle est tendue par un Oriental... et O. qui discute maintenant avec d'autres costumes sombres. J'ai toujours été amusé par la facilité avec laquelle elle menait des conversations sans importance avec des inconnus comme s'ils étaient des amis de longue date. Elle me présente, mais j'ai vite fait de m'écarter légèrement pour ne pas être obligé de me mêler à la discussion. Puis elle me prend le bras et m'entraîne ailleurs...

Moment solennel, le discours de son excellence l'Ambassadeur de France. Juste avant, j'allume le Havane que je réservais pour l'occasion... il me permet de trouver le moment agréable. J'évalue la direction du vent... et me poste de l'autre cote de O. L'éternité existe. Puis le garde à vous, le temps d'un chant guerrier, l'auriculaire sur la couture du pantalon, un cigare au bout des doigts - l'irrespect dans le respect des traditions. Le champagne efface tout.

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