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Dévirtualisation-délire

Donc, je serai là... à t'attendre... tu m'avais dit dans notre dernier « chat * » sortir vers 18 heures. Je suis arrivé un peu avant... me suis dit que tu entrerais par cette porte... alors je me suis installé à l'autre bout du hall pour pouvoir t'observer pendant que tu viendrais vers moi. Je me suis assis... sur un banc, penché en avant, les coudes sur les genoux... la tête relevée... je pensais que tu me reconnaitrais facilement, vêtu de sombre... les cheveux foncés, quelques-uns dans les yeux, comme d'habitude.

Et même si tu ne me reconnaissais pas... je pourrai te voir, hésiter... au milieu de ce grand espace... prendre la mesure de toi un peu plus longuement avant d'appréhender ton existence réelle.

La musique de Noël ascenseur tapisse l'air d'une langueur déprimante. Les gens vont dans tous les sens, pressés, à la recherche du bonheur à donner en paquets enrubannés. Je les vois à peine... juste des ombres qui se croisent devant moi, sur un fond de lumières sensées diffuser la joie du temps des fêtes. Y'a pas plus déprimant que cette mise en scène annuelle...Toute l'année nous sommes noyés dans un scénario que nous ne voyons plus... À tel point que l'on finit tous par croire que nous l'écrivons au fur et à mesure, chacun le sien. Mais dans la période des fêtes c'est plus évident pourtant... le scénario est le même pour tous... et on ne soupçonne toujours pas son existence.

J'ai toujours aimé être triste au milieu d'un foule sensée être gaie, je n'ai jamais su pourquoi. Le plaisir de se sentir différent, à contre courant sans doute. Plus lucide peut-être. La lucide n'est pas un atout majeur. Au contraire. Mais est-ce de la lucidité... c'est peut-être de la dérive... simplement de la dérive.

18 h 07 - Une petite fille passe en courant... elle oublie qu'elle tient dans sa main un ballon... et le ballon monte lentement, laissant traîner un fil rouge. La petite fille s'arrête, et le regarde s'envoler. Elle sourit... j'aime son sourire, elle n'est pas triste d'avoir perdu son ballon, elle est heureuse de le voir en liberté... partir à l'aventure, elle aussi sans doute préfère le rêve. Nous échangeons un regard complice. Elle repart toute guillerette...

18 h 11 - Les lumières se figent tout à coup, le bruit de fond s'estompe et je n'entends plus que le bruit de tes pas.Tu t'avances decidée, je l'entends, vers le centre du hall. Je sais que c'est toi. Je voudrais que tu ne me voies pas... que je puisse prolonger ce moment d'anticipation. Je voudrais que tu ne me voies pas, point.

* chat - Anglicisme utilisé pour décrire des conversations par écrit sur le réseau Internet

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